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Un ordre à faire tomber

Un ordre à faire tomber

vendredi 1er mai 2009, par soutien11novembre

C’est raté. Nous n’avons pas eu peur des terroristes « anarcho-autonomes » tissant des réseaux internationaux. Cette irruption si brutale, si grossière, de la police politique nous a poussés à mettre des mots sur nos amertumes, à sortir de nos isolements. Dès le lendemain des arrestations, les comités de soutien ont fleuri comme des crocus après le dégel. Sans concertation ni mot d’ordre, la contagion a opéré : concerts, débats, rencontres, soirées…

Partout, le soutien a réuni des dizaines, des centaines de personnes. C’est raté. C’était trop gros, peut-être. Personne n’a voulu croire que celles et ceux qu’on accusait d’avoir débranché des TGV étaient des brutes sanguinaires qui fomentaient de terribles attentats. L’affaire de Tarnac a été un déclic. Parce que nous avions oublié qu’on traitait ainsi les ennemi-e-s politiques, oublié que quelques intentions radicales pouvaient mener si officiellement dans vos geôles. Nous ne savions pas non plus que ce qui représente à vos yeux un si grand danger était isolable dans une fantasmatique mouvance. Nous avons senti, différemment, de maints endroits, épidermiquement, que quelque chose clochait. Et si ces arrestations mettent à jour une volonté de terroriser, elle ne vient pas des personnes inculpées.

Il y a une étrange résonance, partout où nous évoquons l’affaire qui ici nous occupe. Et nous sentons bien que le soutien, au moins autant que dans le nombre des signataires d’une pétition, est dans le regard amusé de la passante qui observe une altercation entre des policiers et un groupe de jeunes en souhaitant secrètement que ces derniers l’emportent, qu’il est dans l’œil espiègle de celui qui consulte au bureau un pamphlet antisocial caché dans un manuel de management, dans le geste discret de l’administratif dissimulant les pièces qui justifieraient une reconduite à la frontière, dans la détermination de celles et ceux qui séquestrent leurs patrons, qui pratiquent les réquisitions de biens, ou dans la tension qui monte désormais systématiquement à chaque fin de cortège.

L’« affaire de Tarnac » est un prisme efficace pour lire l’époque et les luttes qui la traversent. On reconsidère avec moins d’indifférence les arrestations – plus discrètes – qui avaient précédé. On voit plus clairement à quoi servent les lois antiterroristes. Et à quoi sert le fichage, et ce qu’il en coûte de vouloir s’y soustraire, et ce qu’il en coûte d’accepter de s’y soumettre. Ce qui était diffus, dans l’air, s’est cristallisé là de telle manière qu’il est devenu très difficile de ne pas prendre parti. On saisit mieux la nécessité pour un gouvernement, dans une époque si explosive, d’inventer la figure d’un ennemi intérieur. Et l’on devine en filigrane le cauchemar inavoué d’un système qui perd pied : celui dans lequel les citoyens d’hier arrêtent de jouer le jeu, se défient de l’ordre établi, et s’organisent en conséquence.

Il y a finalement bien des légendes auxquelles, en chemin, nous avons cessé de croire. Comment, dès lors, ne pas se sentir proche d’insoumis-es qui ont pris au sérieux la nécessité de s’organiser collectivement ? Comment, dans cette époque où ce qui se partage le mieux est l’amertume et le sentiment de passer à côté de sa vie, ne pas ressentir une complicité avec celles et ceux qui ont cherché à s’extraire de la tristesse ambiante, et à lutter contre ses causes ? Comment ne pas percevoir dans leur défiance l’écho de celle que nous éprouvons tous ?

Sans les arrestations du 11 novembre, L’insurrection qui vient n’aurait peut-être jamais été aussi lu – en tout cas, pas collectivement, et sans doute pas dans une perspective si évidemment pratique – ; comme n’auraient peut-être jamais eu lieu toutes ces discussions, toutes ces actions, toutes ces rencontres. Nous éprouvons la force et la joie qu’il y a à mettre en commun nos doutes et nos colères, et nous voyons des « bandes » se former que vos récentes lois n’arriveront pas à dissoudre. Nous voyons combien les arrestations qui, pour des motifs plus ou moins oiseux, se succèdent, relèvent du réflexe panique d’un pouvoir affolé. Aussi, elles ne nous dissuadent plus de grand-chose. D’autres personnes sont encore en prison pour des motifs similaires à ceux de Tarnac. Certaines y retournent, pour n’avoir pas scrupuleusement respecté l’interdiction qui leur était faite de se voir. Les contrôles judiciaires, la dispersion forcée de toutes les amitiés qui s’organisent, se multiplient. Vos prisons, et toutes celles que vous pourriez construire, ne suffiront jamais à enfermer tout ce qui sort de vos normes. Et où que nous soyons, les solidarités se tissent. Dans cette période de crise et de troubles, nous ne sommes qu’une voix dans le concert de celles et ceux qui ne s’accommoderont plus de rabibochages. Dans des pans entiers du territoire, dans des pans entiers du peuple, l’adhésion au système est en miettes. La désaffiliation devient un peu partout un chemin praticable. Et c’est tant mieux. Rien ne nous console tant de ce que vous avez voulu infliger aux « neuf de Tarnac », que de constater que de toutes parts surgissent pour vous des menaces autrement plus nombreuses que ce que vous avez cru conjurer.

Ce n’est plus de l’incompréhension que nous ressentons, à retracer le fil de cette affaire. Mais comprendre les logiques à l’œuvre n’apaise pas. Cela aiguise seulement la colère. Les inculpations doivent être levées, comme doivent être défaits les arsenaux antiterroristes, antibandes, antimasques, antirassemblements, qui visent à briser toute solidarité effective. Durant tout le mois de mai, dans chaque ville où ils se trouvent, les comités de soutien multiplieront les initiatives ; le 8 mai, se tiendront des réunions publiques afin que se pose partout la question de savoir ce que signifie réagir à hauteur de la situation qui nous est faite. Il n’y a pas neuf personnes à sauver, mais un ordre à faire tomber. A la fin mars, près de trentes comités de soutien aux inculpés de Tarnac se sont retrouvé à Limoges pour discuter des suites à donner à leur action. Ce texte a été élaboré au cours de ces rencontres.

Tarnac : La journée d’hier a été l’occasion de pseudos rebondissements …

Pseudos rebondissements dans l’affaire dite de Tarnac

La journée d’hier a été l’occasion de pseudos rebondissements dans l’affaire dite de Tarnac. Dans un premier temps, un article du journal Le Monde revient à nouveau sur l’enquête judiciaire, une journaliste ayant visiblement eu accès à l’intégralité du dossier d’instruction. Décrivant sur toute une page ce qu’elle y a découvert, elle en arrive à cette conclusion (la même que tous ceux qui ont pu accéder à ces informations) : la justice ne dispose d’aucun élément matériel permettant d’étayer l’accusation « d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». L’article détaille par ailleurs les mesures toujours plus délirantes qui furent mises en oeuvre pour surveiller Julien pendant plusieurs mois : écoutes, caméras dans les arbres, intervention des services financiers, courrier ouvert, filatures, enquêtes de voisinage, etc. Quelques heures après la sortie de cet article, l’accusation s’est fendue d’une brève contre-attaque. « Non non le dossier n’est pas vide » : la police prétend avoir « découvert » plusieurs documents informatiques permettant de légitimer l’accusation de terrorisme : des textes évoquant l’ouvrage « l’Insurrection qui vient », une quittance EDF (« qui aurait pu servir à d’éventuelles falsification »), et un « manuel » de 60 pages (!) expliquant la fabrication de bombes artisanales.

La police et le parquet sont visiblement à la peine pour tenter de relancer l’intérêt pour cette affaire. Personne ne croira sérieusement à la « découverte », sur des ordinateurs saisis il y a 4 mois déjà, de « nouveaux » documents accablants. Il ne faut pas plus de quelques heures pour faire le tour d’un disque dur. Une partie du matériel informatique a d’ailleurs été inspectée durant les gardes à vues. Ces documents sont-ils si crédibles qu’il n’a même pas été nécessaire de les évoquer plus tôt dans l’enquête ? Où découlent-ils de pures falsifications ? Ces basses manoeuvres sont celles d’une accusation visiblement en perte d’arguments. Malgré la grossièreté de telles opérations, il n’en a pas fallu beaucoup plus à certains médias pour relayer cette information « croustillante », participant (encore une fois) pleinement à cette nouvelle opération de propagande qui vise à faire oublier la faiblesse du dossier d’instruction.

La police se délecte : elle a non seulement réussi à réactiver l’imaginaire terroriste (grâce au simple mot « bombe »), mais elle prétend à partir de ces « nouveaux éléments » pouvoir user de cette spécificité française qu’est l’accusation d' »association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » – qui permet des condamnations préventives sur des présomptions d’intention, même quand aucun acte ne peut être imputé aux inculpés. Gageons que ces pseudo-révélations feront long feu, comme nombre d’éléments dans cette affaire qui, avant d’être totalement décrédibilisés, furent brandis victorieusement par les fins limiers de la SDAT. Il serait d’ailleurs temps que l’accusation cesse de se ridiculiser jour après jour. Rappelons enfin que cette offensive intervient alors que les inculpés ont publié il y a peu une lettre ouverte à leurs juges, et tandis que le pouvoir accentue les opérations répressives dans la crainte de troubles sociaux : poursuites judiciaires à la suite de la manif du 19 mars, lois anti-bandes, réincarcération de Farid, sommet de l’OTAN.

Tarnac 87 eme jour de prison pour Julien Coupat

février 9, 2009 Laisser un commentaire

Un petit docu fait par les gens de la région pour expliquer le pourquoi du comment …
Ci-dessus le texte qui décrit le contenu du livre écrit par le groupe auquel appartient Julien Coupat.

L’insurrection qui vient

Comité invisible

Chaque secteur spécialisé de la connaissance fait à sa manière le constat d’un désastre. Les psychologues attestent d’inquiétants phénomènes de dissolution de la personnalité, d’une généralisation de la dépression qui se double, par points, de passages à l’acte fou. Les sociologues nous disent la crise de tous les rapports sociaux, l’implosion-recomposition des familles et de tous les liens traditionnels, la diffusion d’une vague de cynisme de masse ; à tel point que l’on trouve dorénavant des sociologues pour mettre en doute l’existence même d’une quelconque « société ». Il y a une branche de la science économique – l’« économie non autistique » – qui s’attache à montrer la nullité de tous les axiomes de la prétendue « science économique ». Et il est inutile de renvoyer aux données recueillies par l’écologie pour dresser le constat de la catastrophe naturelle.

Appréhendé ainsi, par spécialité, le désastre se mue en autant de « problèmes » susceptibles d’une « solution » ou, à défaut, d’une « gestion ». Et le monde peut continuer sa tranquille course au gouffre.

Le Comité invisible croit au contraire que tous les remous qui agitent la surface du présent émanent d’un craquement tectonique dans les couches les plus profondes de la civilisation. Ce n’est pas une société qui est en crise, c’est une figure du monde qui passe. Les accents de fascisme désespéré qui empuantissent l’époque, l’incendie national de novembre 2005, la rare détermination du mouvement contre le CPE, tout cela est témoin d’une extrême tension dans la situation. Tension dont la formule est la suivante : nous percevons intuitivement l’étendue de la catastrophe, mais nous manquons de tout moyen pour lui faire face. L’insurrection qui vient tâche d’arracher à chaque spécialité le contenu de vérité qu’elle retient, en procédant par cercles. Il y a sept cercles, bien entendu, qui vont s’élargissant. Le soi, les rapports sociaux, le travail, l’économie, l’urbain, l’environnement, et la civilisation, enfin. Arracher de tels contenus de vérité, cela veut dire le plus souvent : renverser les évidences de l’époque. Au terme de ces sept cercles, il apparaît que, dans chacun de ces domaines, la police est la seule issue au sein de l’ordre existant. Et l’enjeu des prochaines présidentielles se ramène à la question de savoir qui aura le privilège d’exercer la terreur ; tant politique et police sont désormais synonymes.

L’insurrection qui vient nous sort de trente ans où l’on n’aura cessé de rabâcher que « l’on ne peut pas savoir de quoi la révolution sera faite, on ne peut rien prévoir ». De la même façon que Blanqui a pu livrer les plans de ce qu’est une barricade efficace avant la Commune, nous pouvons déterminer quelles voies sont praticables hors de l’enfer existant, et lesquelles ne le sont pas. Une certaine attention aux aspects techniques du cheminement insurrectionnel n’est donc pas absente de cette partie. Tout ce que l’on peut en dire ici, c’est qu’elle tourne autour de l’appropriation locale du pouvoir par le peuple, du blocage physique de l’économie et de l’anéantissement des forces de police.

128 p./7 euros

ISBN : 2-913372-62-7

En librairie depuis le 22 mars 2007

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